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Activités passées

14 au 16 novembre 2022: Colloque "Pourquoi traduire ? La traduction et ses enjeux de l'Antiquité gréco-romaine à l'âge classique"

Co-organisation et participation du professeur Béatrice Guion au colloque « Pourquoi traduire? » organisé par le CARRA : voir sur la page de l'équipe partenaire

Le colloque sera retransmis en visiotransmission : https://bbb.unistra.fr/b/fre-rwu-3rv-p9w



Colloque Lectures du théâtre français des XVIe et XVIIe siècles, 26-27 novembre 2020, org. S. Berrégard

           

             Lectures du théâtre français des XVIe et XVIIe siècles, colloque organisé par Sandrine Berrégard les 26-27 novembre 2020

Le colloque s'est tenu entièrement en ligne.


Org. Sandrine Berrégard, MCF HDR, Faculté des Lettres, U.R. 1337 « Configurations littéraires » et
C.E.L.A.R., berregard@unistra.fr
Avec le soutien financier de la Société d’étude du XVIIe siècle, de l’U.R. 1337 « Configurations
littéraires » et de la Faculté des Lettres de l’Université de Strasbourg

Présentation
Si la lecture du théâtre est souvent considérée comme un mode de réception incomplet voire dépourvu de pertinence pour un genre qui ne s’accomplirait pleinement que dans la réalisation scénique, il s’agit là au contraire d’une approche privilégiée par ceux qui expriment leur méfiance à l’égard des comédiens et des aléas auxquels leur jeu soumet l’oeuvre dramatique1. Loin de nous l’intention de mettre en concurrence, pour montrer la (prétendue) supériorité de l’une sur l’autre, ces deux manières de restituer le texte de l’auteur ; notre projet consiste à examiner, en une perspective littéraire plutôt que spectaculaire2, les différentes modalités de lecture dont fait l’objet le théâtre en France aux XVIe et XVIIe siècles ou celles auxquelles il se prête désormais. Le choix de la période retenue (1550-1715), qui s’étend du début de l’humanisme jusqu’à la fin du classicisme, tient à plusieurs facteurs : la grande variété des types de lecture auxquels donne alors lieu la littérature théâtrale, en fonction du contexte social et des objectifs visés (la lecture scolaire, dont la finalité ultime est l’apprentissage de l’art oratoire, par opposition à la lecture mondaine, davantage tournée vers le divertissement) ; les difficultés particulières que pose le théâtre de la première modernité et que la lecture, plus aisément que la représentation, permet de surmonter (le lecteur, d’hier ou d’aujourd’hui, dispose le cas échéant d’outils – dictionnaires de langue, répertoires de fables – qui lui facilitent la compréhension littérale des textes3 ; ou encore la liberté qu’il possède, comparée aux contraintes qui s’imposent au spectateur, l’autorise à passer outre la place parfois considérable accordée au lyrisme ou à la narration4 ; l’existence d’un riche appareil paratextuel (préface, avertissement, épître dédicatoire, argument…) dont la taille ne cesse de croître et, surtout, qui témoigne de l’importance accordée au lecteur, quand il ne suggère pas l’idée d’une véritable autonomie de l’acte de lecture.
Le lecteur de théâtre ne saurait pour autant être tenu pour un archétype, non plus que le spectateur ou l’«auditeur», comme il est volontiers nommé. Il est en effet autant de lecteurs que de lectures possibles, les uns et les autres s’inscrivant dans un parcours, qu’il conviendra de retracer.

Les diverses acceptions que revêt, dans la langue des XVIe et XVIIe siècles, le terme de lecture ou le verbe correspondant permettent déjà de dresser une première typologie :
Leçon ; enseignement (cf. le syntagme, relevé aussi par Huguet, « Lire en droit, en philosophie, en théologie » : enseigner le droit…) __ à quoi fait écho l’une des définitions fournies par Furetière : «érudition, science profonde ». Le théâtre est donc potentiellement un objet de savoir et un lieu d’apprentissage. En dépit de ce qui distingue le poète de l’historien5, la tragédie constitue ainsi un réservoir de connaissances relatives à la mythologie ou à l’histoire ancienne – sans compter les exemples de discours de toutes sortes qu’inclut le genre.
Si le théâtre, compris dans ses dimensions littéraire et spectaculaire à la fois, a été, comme on le sait, utilisé notamment par les jésuites à des fins pédagogiques6, il convient, pour l’époque actuelle, de s’interroger sur la nature et les méthodes qui président aux lectures scolaires. Par exemple, quel traitement les manuels réservent-ils aux textes de théâtre, ou quels sont les critères qui dictent le choix des extraits de pièces proposés aux élèves ?
Ces questions nous ramènent au sens étymologique du mot lecture, issu du latin lectio, « action de ramasser, de recueillir », qui fait du lecteur un sujet actif, participant à l’élaboration du sens véhiculé par l’oeuvre (à rapprocher de théories comme celle d’U. Eco dans L’OEuvre ouverte).
Une réflexion sur les anthologies ou les recueils de morceaux choisis est ici opportune, en résonance avec les représentations que construit l’historiographie du théâtre français des XVIe et XVIIe siècles.
Les nuances qui s’attachent au verbe legere («recueillir par les oreilles ; recueillir par les yeux ; lire à haute voix»), et que relaient en partie les dictionnaires français («Prononcer à haute voix le contenu en quelque Livre ou Écrit qu’on a devant les yeux», dit par exemple Furetière), précisent enfin les conditions dans lesquelles se fait alors la lecture du théâtre. L’oeuvre dramatique se donne à voir, sur la page imprimée, autant qu’elle se donne à entendre, que le lecteur soit seul ou intégré à un groupe et que sa lecture soit silencieuse ou audible. Seront donc examinés les pratiques de lecture et le contexte social dans lequel elles s’inscrivent respectivement ainsi que les effets spécifiques qu’elles sont susceptibles de produire. Les rimes pour l’oeil, des figures de style telles que le chiasme, la paronomase ou l’anagramme sont ainsi plus sinon seulement perceptibles de la sorte. La poéticité du texte théâtral l’est également, même si des metteurs en scène7 font le choix de la sobriété pour se tenir au plus près de la lettre. Une étude des rapports entre poésie lyrique et poésie dramatique ou du lyrisme dans le corpus tel qu’il a été défini sera donc appréciable.

Si le XVIIe siècle, du point de vue de l’histoire du théâtre, est parfois compris comme l’âge du spectateur et de l’acteur, avec l’établissement de troupes professionnelles et l’institutionnalisation de l’art dramatique (la constitution du groupe des « Cinq Auteurs », patronné par Richelieu ou, plus tard, la politique conduite par Louis XIV en faveur du développement des arts de la scène), le XVIe quant à lui serait-il davantage orienté vers le lecteur? Un tel schématisme ne saurait à coup sûr rendre compte de la complexité des évolutions qui se font jour, comme l’attestent le soin apporté aux éditions de théâtre durant la seconde période ainsi que le rôle dévolu aux paratextes en tous genres, destinés au « lecteur » en général (avertissement, préface, argument, notes marginales, table des matières) ou à un lecteur singulier (épître dédicatoire). La question se pose dès lors de savoir de quel poids ces derniers pèsent dans le processus de lecture – simple déchiffrement ou travail exégétique – et pour chacun des destinataires désigné ou pressenti.
Individuelle ou collective, passée ou présente, la lecture (littéraire) du théâtre couvre donc un large éventail de situations, que nous nous proposons d’observer et de croiser, afin d’en dévoiler les mécanismes et les enjeux.

1 Voir à ce sujet V. Lochert, « ‘La méditation de la lecture’ contre ‘les agréments de la représentation’ : lecteurs et spectateurs dans les querelles dramatiques », p. 115-132 [in] Les Querelles dramatiques en France à l’âge classique, dir. É. Hénin, Louvain, Peeters, 2010.
2 Voir à ce sujet J. de Guardia et V. Lochert, dir., Théâtre et imaginaire. Images scéniques et représentations mentales (XVIe-XVIIIe siècles), Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, « Écritures », 2012.
3 Le verbe lire est notamment défini par Furetière en ces termes : « connaître et comprendre la figure, ou le son et la force des caractères écrits, imprimés, ou gravés, par lesquels un autre a voulu exprimer sa pensée ». La question de l’accès au sens premier se pose pour un auteur comme Hardy, dont les textes n’étaient sans doute guère plus limpides aux yeux d’un lecteur contemporain qu’à ceux d’un lecteur actuel.
4 Corneille, par exemple, déclare dans la préface de sa tragi-comédie Clitandre ou LʼInnocence délivrée (1632) : « quiconque voudra bien peser lʼavantage que lʼaction a sur ces longs et ennuyeux récits ne trouvera pas étrange que jʼaie mieux aimé divertir les yeux, quʼimportuner les oreilles » (p. 95 [in] OEuvres complètes, t. 1, éd. G. Couton, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980).
5 « Le même Aristote nous autorise à en user de cette manière, lorsquʼil nous apprend que le poète nʼest pas obligé de traiter les choses comme elles se sont passées, mais comme elles ont pu, ou dû se passer, selon le vraisemblable, ou le nécessaire » (Corneille, « Discours de la tragédie, et des moyens de la traiter, selon le vraisemblable ou le nécessaire » [1660], p. 161 [in] OEuvres complètes, éd. cit., t. 3, 1987).
6 Sur ce point, voir en particulier Ch. Mazouer, Le Théâtre français de l’âge classique, t. 1 : Le premier XVIIe siècle, Paris, Champion, « Dictionnaires et références », 2006, p. 25-29.
7 Comme dans la mise en scène réalisée en 1971 par A. Vitez de l’Andromaque de Racine, où les acteurs étaient véritablement montrés en lecteurs, texte à la main.

Voir le programme et la présentation scientifique en version PDF: cliquer ici

Voir l'affiche du colloque: cliquer ici

 

 

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