Dans le cadre du séminaire « Frontières des Mémoires : mémorialistes,...
Enseignements 2023-2024, reportez-vous au site de la faculté des lettres....
Coordination : É. Reverzy, C. Grenouillet et M. Finck
Laurence Guellec : Le concret et l'abstrait dans De la démocratie en Amérique de Tocqueville
Romuald Fonkoua : Politique de l'écriture (Glissant, A. Hampâté Bâ, M. Condé)
Marieke Stein : L'orateur, la parole, le peuple dans l'oeuvre de Victor Hugo..
Notre travail part de la double formulation d’un défi posé par Wagner à la littérature : un défi mallarméen, musico-littéraire, selon lequel la littérature devrait reprendre à la musique un bien qui lui aurait été dérobé, défi qui franchit très largement les limites du symbolisme européen dans lequel il a vu le jour ; un défi mannien, esthético-politique et philosophico-historique ensuite, qui, à partir d’une supposée « scène wagnéro-nazie », amène la littérature à s’interroger sur la substance éthique de la musique et de l’art en général, lorsqu’ils sont associés tantôt à l’indicible tantôt à l’ineffable, mais qui surtout invite à remettre en question les « modèles historiques » dans lesquels cette pensée déterministe de l’inscription mythifiée du mal dans l’histoire prend forme. Le défi wagnérien serait alors ce défi méthodologique posé par l’enchevêtrement des paradigmes historiques et esthétiques dans la première moitié du XXe siècle, enchevêtrement qui permet à Nietzsche de dire que Wagner résume à lui seul la modernité. C’est qu’en effet Wagner en littérature n’est, dès l’origine, qu’une figure informatrice de débats ne l’engageant qu’indirectement et prenant pour théâtre une Europe culturelle et spirituelle qu’à travers lui on divise en autant de scènes agonistiques ou qu’on réconcilie, selon des paramètres téléologiques variables, en différents concerts des nations. C’est également que le défi que la musique pose à la littérature n’est au bout du compte qu’un défi d’ordre strictement littéraire : la littérature se sert de cette fiction pour s’inventer d’autres moyens et d’autres fins –principalement dire l’absolu.
Notre étude se divise en cinq points. Après avoir défini le territoire du défi wagnérien, ses principales scènes et figures (1ère partie : « Pour un récit européen, scènes et figures du défi wagnérien »), on s’attache tout d’abord au défi de l’œuvre d’art totale, défi d’ordre esthético-politique, qui revient à d’interroger sur les raisons d’être, dans l’Europe des nations, d’un fantasme de la renaissance de la tragédie et de l’utopie festivalière, de même qu’à reconstituer le récit d’une relation de défiance et de fascination face à l’idée de totalité en art (2ème partie : « Le défi de l’œuvre d’art totale ou Défi de la forme esthético-politique »). Notre troisième partie (« le défi de la jouissance musicale ou Défi de l’être ») s’intéresse à ce scandale que représenterait, pour l’écrivain, la jouissance musicale wagnérienne, particulièrement rétive à la « scription » et à la duplication, mais également rétive, entre érotique et religiosité, à la qualification. Ce constat s’ouvre sur l’étude d’une intrication particulièrement forte entre wagnérisme et redéfinition des identités ou archétypes sociaux au sein d’une crise considérée comme inhérente à la modernité. La quatrième partie (« Le défi de la philosophie de l’histoire ou Défi du récit et de l’éthique ») envisage la façon dont la parabole wagnérienne a été reprise pour caractériser différentes « histoires » de l’Europe, tour à tour belliqueuses et pacificatrices, jusqu’à dresser, à travers Wagner, un véritable procès de civilisation. Notre dernière partie, enfin (« Le défi de la religion de l’art ou Défi de l’absolu »), qui est consacrée au problème d’une création artistique placée sous le signe de la détresse spirituelle depuis qu’a été déclarée la mort de Dieu, met en question les syncrétismes spirituels parfois qualifiés de « religions de contrebande » et auxquels l’art wagnérien aurait donné naissance.
Chaque partie s’attache à la réécriture –parfois parodique- d’un grand mythe wagnérien : Tristan ou l’errance d’Eros ; Lohengrin et le Hollandais ou le mystère de l’identité ; Siegfried, du désir de l’homme providentiel au crépuscule des dieux ; Parsifal ou la détresse spirituelle européenne. Chaque partie tente également de répondre à une question d’ordre méthodologique posée par le modèle wagnérien en littérature : l’utopie de l’œuvre d’art totale et de la musicalisation de la langue ; le recours au référent wagnérien –et particulièrement à son leitmotiv- dans le cadre de la théorie du roman musical ou du roman du monologue intérieur ; la réalisation post-wagnérienne du livret d’opéra ; la relation conflictuelle, dans la littérature wagnérienne, entre mythe et histoire, etc. Plus largement, chaque partie vise également à redéfinir, à travers l’exemple wagnérien, plusieurs catégories esthétiques problématiques : le sublime, la modernité, la décadence, l’avant-garde, la dégénérescence, le kitsch, etc. Si, dans une perspective de représentativité des questions (et non d’exhaustivité), notre corpus, que l’on traite tour à tour massivement et de façon détaillée, est européen, et vise à dépasser les distinctions génériques traditionnelles (poésie, théâtre, roman, essai), c’est parce qu’alors seulement le défi wagnérien recouvre l’ensemble de ses harmoniques.
Timothée Picard
Les « voix du peuple », formule de Michelet dans l’Histoire de France, renvoient ici à la manière dont la littérature dit le peuple : que dit le peuple ? et surtout comment le dit-il ? quelles sont ses façons de se faire entendre (le discours, le cri, le chant) et quel est son langage (ses langues : idiolecte, sociolecte, parlures diverses, accent) ? Au cours du mois de mai 2005 une trentaine de chercheurs ont tenté de mettre en évidence ces voix dans les œuvres littéraires et musicales qui les ont répercutées, fait résonner ou qui ont enregistré leur échec, des voix révolutionnaires et romantiques de L.-S. Mercier ou P.-L. Courier aux voix d’en bas résolument contemporaines de François Bon ou Jean Louvet. Vallès, Zola, Barbusse, Aragon ou Poulaille (pour ne citer qu’une partie des auteurs sur lesquels portent les communications ici réunies) se sont attachés, avec des fortunes diverses, à faire entendre ces voix dans le cadre d’un travail sur et de la “forme” littéraire. Le peuple se décline en paysans, en mineurs, en “javanais” immigrés ; l’écrivain prend la plume du reporter-interviewer, la trempe dans l’encre des journaux du XIXe siècle, mène l’enquête ; porte-parole ou témoin, issu lui-même ou non de ce « peuple » aux représentations fluctuantes, il se trouve confronté à la question de la légitimité d’une prise de parole dont les enjeux sont de nature politique autant qu’esthétique.
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