Côme de La Bouillerie soutiendra sa thèse de littérature française,...
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Responsables: Michèle Finck, Corinne Grenouillet, Éléonore Reverzy
La réflexion engagée l'an passé sur la littérature face au politique se prolongera en 2006-2007 par l'étude des « formes du politique ». La perspective sera plus précise. Il s'agira moins d'éclairer la manière dont la littérature se confronte ou s'affronte au politique que d'examiner comment une forme littéraire ou artistique, un genre particulier par exemple, peut revêtir un sens, une valeur ou une portée politique. Toute oeuvre est politique puisqu'elle prend place, ou s'exclut, dans un débat politique qui est celui-là même de la société démocratique depuis la Révolution. C'est dire que le politique est la pensée même de l'oeuvre, qu'il travaille tant sa composition, sa poétique que sa forme, sa langue. Michel Meyer dans son essai sur Langage et littérature rappelle que «la littérature occulte les idées, autant qu'elle les exprime, parce qu'elle les exprime, précisément »: « figurative », elle produit un effet esthétique, une émotion qui tiennent justement à cette figuration, à cette formalisation du sens. Cette analyse générale s'applique parfaitement au champ politique qui nous requiert. On évitera donc bien sûr de considérer le (ou la) politique comme référent de l'oeuvre, c'est-à-dire comme quelque chose qui lui préexisterait, dont l'oeuvre aurait pour charge de rendre compte ou à quoi elle renverrait comme élément sociologique ou historique d'un « répertoire » textuel (Iser).
Existe-t-il pour autant des formes qui seraient politiques in se ? Les Lettres persanes de Montesquieu ne constituent-elles pas le premier exemple dans la littérature moderne d'une oeuvre qui intègre le politique tant dans sa forme (le roman par lettres), dans la construction de l'espace fictif et exotique (l'espace du sérail paradigme du despotisme) que dans le mode romanesque (selon les catégories de N. Frye)…puisque c'est du sérail que survient l'événement, le drame pour dénoncer la négation de l'être et de la liberté dont le despotisme est porteur. De même, au-delà du Jardin des supplices de Mirbeau, Lettres persanes fin de siècle, ou de l'oeuvre de Kafka, n'y a-t-il pas dans toutes les constructions utopiques qui s'élaborent dans les trois derniers siècles, l'élaboration d'un espace fictionnel propre à représenter le politique dans la fiction littéraire ?
Le XXe siècle, par l'intermédiaire d'Aragon par exemple, n'est-il pas lui aussi marqué par la tentative de faire, à partir d'un travail formel du chant poétique (puisant aux sources médiévales de la poésie nationale) un instrument de l'action politique et de l'intervention dans le champ du réel (la Résistance à l'occupant) ? Le théâtre contemporain ou certains genres d'une littérature jugée mineure (le roman policier par exemple) ne fournissent-ils pas des exemples frappants d'une portée politique endossée par des « formes » spécifiques? Aujourd’hui n’est-ce pas le cinéma qui parvient avec le plus d’éclat à fictionnaliser le politique (voir la mise en abyme et le jeu des acteurs dans les films de Moretti ?). C'est dire que les formes du littéraire (et plus généralement de la création artistique) ne rejoignent la question politique que lorsque se trouvent conjugués les circonstances historiques et l'acte, créateur, d'un écrivain souhaitant inscrire son action dans un champ qui excède celui du littéraire.
On tentera de se poser la question des genres qui sont les plus aptes à dire le politique : le traité, l'essai ou les genres rhétoriques sont-ils plus (moins ?) efficaces que la fiction, le théâtre ou la poésie ? Ces interrogations liminaires devraient nourrir notre réflexion et les séances du séminaire aider à préciser nos hypothèses de travail et nos pistes d'interprétation. Le Colloque « Fictions du politique », prévu en 2008, en collaboration avec le CELUS (Centre d'Études des Lumières de Strasbourg, dir. Pierre Hartmann) devrait recueillir les fruits de cette réflexion collective
Vendredi 20 octobre, 14 h, Timothée Picard, Université de Rennes II, « De la perte de l'idiome parfait à l'idéal de la fête rédemptrice : Le parcours esthético-politique de Rousseau »
Jeudi 23 novembre, 18 h, Roselyne Waller, IUFM de Strasbourg, « “La mine comme horizon magique” : Aurélie Filipetti, Les Derniers jours de la classe ouvrière ».
Mardi 5 décembre 2006, 18 h, conférence hors programme (salle 409) : « La traduction américaine des Voyageurs de l'Impériale de Louis Aragon : enjeux sociaux et littéraires ».
Vendredi 15 décembre 2006, 14 h, Bertrand Marquer, UMB-Strasbourg II, « Hystéries républicaines : le nerf de la guerre »
Jeudi 1er février 2007, 18h, conférence d'agrégation hors programme de Fabienne Bercegol sur Chateaubriand.
Vendredi 2 février 2007, 14h, Dominique Dupart, Paris, « Lamartine ou l'éloquence sensible, l'éloquence à voix nue ».
Jeudi 1er mars 2007, 18 h, Florence Lotterie, ENS Fontenay-Lyon, « Larmes politiques, l'arme pathétique. Madame de Staël et la Terreur dans les Lettres : autour des Réflexions sur le procès de la reine, par une femme (1793) ».
Jeudi 29 mars 2007, 18 h, Jean-Michel Wittmann, Université de Metz, « Drieu la Rochelle un écrivain engagé contre la politique ? »
Vendredi 13 avril 2007, 14 h, Erik Pesenti, UMB-Strasbourg II, « Sur le cinéma politique de Moretti »
Jeudi 19 avril 2007, 18 h, Gisèle Séginger, Université de Marne-le-Vallée, « Hérodias (Flaubert) : légende et politique ».
Résumé de la conférence de Timothée Picard : « De la perte de l'idiome parfait à l'idéal de la fête rédemptrice : Le parcours esthético-politique de Rousseau »
Cette communication a visé à restituer, à travers l'œuvre de Rousseau, la cohérence de la pensée politique du philosophe, indéfectiblement placée sous le signe du modèle musical et, plus précisément, de la question de l'articulation -difficile- entre musique et langage. Elle s'est divisée en deux grands temps, au centre desquels était placée l'étude, d'une part, de L'Essai sur l'origine des langues puis, d'autre part, de La Lettre à D'Alembert sur les spectacles. Ces deux temps ont reconstitué le récit d'une chute, et l'hypothèse d'une régénération. Le premier temps a pris comme point de départ l'analyse de l'implication de Rousseau dans les grandes querelles musicales de son temps, implication à caractère « géopolitique », et au sein de laquelle les musiques française et italienne furent amenées à prendre, à des fins belliqueuses, une dimension fortement paradigmatique. Il s'est alors agi de restituer, à partir des textes qui ont formé le pré-système de l'Essai sur l'origine des langues, le socle théorique qui a donné épaisseur et profondeur -en forme de vision du monde- à ces querelles. On a alors tenté de mettre en avant l'importance, chez Rousseau, d'un pessimisme philosophico-historique qui s'applique à tous les champs de sa pensée, et qui accorde à la question des liens entre musique et langage, hier parfaitement unis, aujourd'hui tragiquement disjoints, le rôle tout à la fois d'un agent et d'un symptôme privilégiés. L'analyse de l'Essai, dont on a tenté de mettre en avant le caractère révolutionnaire en ceci qu'il faisait chanceler sur ses bases tout l'édifice de l'esthétique classique, est venue effectuer la synthèse de ce premier temps. Le deuxième temps de la communication s'est employé à montrer que l'œuvre de Rousseau offrait plusieurs pistes à cette régénération musico-langagière, philosophico-historique et, du même coup, politique, qu'il appelait de ses vœux. Ce fut tout d'abord la pédagogie, qui, dans la pensée du philosophe, accorde une place importante à l'apprentissage du langage et de la musique ; ce fut ensuite l'œuvre musicale : Rousseau, avec Le Devin du village et surtout Pygmalion, s'est employé à mettre en œuvre, dans des pages étonnantes, toutes les caractéristiques de son idéal musico-langagier. Mais l'examen de la Lettre à D'Alembert sur les spectacles, de même que d'autres textes de Rousseau à caractère esthético-politique, a montré que l'opéra, par l'artifice de son dispositif, tant sur scène que dans la salle, ne pouvait mettre en œuvre cet idéal politique de la transparence et de l'immédiateté, dont la musique, langage moral par excellence, était le signe. Bien plus, c'est la fête collective, fête libérée de toute contrainte et dans laquelle la communauté offre à elle-même son propre spectacle, qui constitue l'idéal esthético-politique selon Rousseau. En conclusion, un bref parcours de La Nouvelle Héloïse nous a permis de récapituler la cohérence de l'utopie rousseauiste. (T. Picard, Rennes II)
Conférence d'Agnès Whitfield (Université York, Canada) du mardi 5 décembre 2006, hors programme (à 18 h - salle 409) : « La traduction américaine des Voyageurs de l'Impériale de Louis Aragon : enjeux sociaux et littéraires »
L'auteur de la conférence :
Spécialiste de la traduction littéraire, auteure renommée de nombreux ouvrages sur la question et poète, Agnès Whitfield mène actuellement une recherche sur l'œuvre de la traductrice américaine Hannah Josephson.
Précisions sur le sujet de la conférence:
Hannah et Matthew Josephson sont arrivés ensemble à Paris au début des années 1920 peu après leur mariage. Leur amitié avec Louis Aragon date donc de cette époque. Hannah Josephson, grande admiratrice de l'écrivain, a certainement eu en main un des tapuscrits originaux des Voyageurs de l'Impériale. Sa traduction est parue à New York en 1941, et a été reprise par la suite par une maison d'édition anglaise. Rappelons que la première édition en France des Voyageurs de l'Impériale fut une "entreprise diabolique" (selon Michel Apel-Muller) : le texte fut en effet censuré avant de paraître, mutilé, en 1942. La traduction de Hannah Josephson, The Century was young, est donc paru avant la version française.
Journaliste de formation, femme engagée, bien que sans doute plus discrète que son mari, Hannah Josephson a beaucoup contribué à faire mieux connaître l'oeuvre d'Aragon (et la cause de la Résistance) aux États-Unis.
Notice bio-bibliographique détaillée :
Née à Peterborough (Ontario) en 1951, Agnès Whitfield travaille depuis plus de vingt-cinq ans comme critique littéraire, traductrice, professeure et poète. Elle a enseigné la littérature québécoise et la traduction à l'Université Queen's (Kingston) pendant 10 ans. En 1992, elle a été nommée Directrice de l’École de traduction du Collège universitaire Glendon (Université York), poste qu'elle a occupé jusqu'en 1996. Elle est présentement professeure titulaire de traduction et d'études françaises à l'Université York.
Titulaire d’une maîtrise de l'Université de Paris IV-Sorbonne, et d'un doctorat de l’Université Laval, Agnès Whitfield a publié une quarantaine d'articles sur la littérature québécoise dans des ouvrages collectifs et diverses revues dont Voix et images, Études canadiennes, Québec français, Francophonies d'Amérique, Canadian Literature et Lettres québécoises. Elle est l'auteure du Je(u) illocutoire : Forme et contestation dans le roman québécois contemporain (PUL, 1987) et la co-directrice de trois recueils d’essais : Critique et littérature québécoise (Tryptique, 1992), La Nouvelle : écriture(s) et lecture(s) (XYZ/GREF, 1993) et La Francophonie ontarienne : bilan et perspectives de recherche (Le Nordir, 1995).
Finaliste, en 1991, du prix du Gouverneur général pour Divine Diva, traduction anglaise de Venite a cantare, roman de Daniel Gagnon, Agnès Whitfield a publié une douzaine d'études sur la traduction littéraire, la pédagogie et l'histoire de la traduction dans des revues et des actes de colloques internationaux (Lisbonne, Amsterdam, Cambridge, entre autres). Depuis 2002, elle signe la chronique des traductions littéraires pour la revue, University of Toronto Quarterly. En 2005 et 2006 sont parus sous sa direction deux volumes de portraits de traductrices et de traducteurs littéraires canadiens et québécois : Life Between the Lines. Portraits of Canadian Anglophone Translators (Wilfrid Laurier University Press) et Le Métier du double. Portraits de traductrices et de traducteurs francophones (Fides, Collection du CRILQ).
Agnès Whitfield est également l’auteure d’oeuvres de fiction. En 1993 est paru un premier recueil de poèmes, Ô cher Émile je t’aime ou l’heureuse mort d’une Gorgone anglaise racontée par sa fille (Le Nordir), suivi, en 1995, d’un récit poétique, Où dansent les nénuphars (Le Nordir). Un deuxième recueil de poèmes, Et si les sirènes ne chantaient plus est paru aux Écrits des Forges en 2001.
Elle a été membre du Conseil de l’Association des traducteurs et traductrices littéraires du Canada (1997-2000) et présidente, pour deux mandats consécutifs, de l’Association canadienne de traductologie (1995-1999). En mai 2003, elle a été professeure invitée au Centro di Studi Quebecchesi et à la Scuola Superiore di Lingue Moderne per Interpreti e Traduttori de l'Université de Bologne. En 2003-2004, elle a été titulaire de la Chaire d'invité Seagram à l'Institut d'études canadiennes de l'Université McGill. En 2006, elle occupe le poste de chercheure virtuelle auprès du Programme de soutien des langues officielles de Patrimoine Canada et dirige un projet de recherche sur l'apport de la traduction littéraire à la promotion de la dualité linguistique.
Résumé de la conférence de Roselyne Waller (IUFM, Strasbourg) du jeudi 23 novembre 2006 « La mine comme horizon magique : Les Derniers jours de la classe ouvrière » d'Aurélie Filipetti
Dans la communication « La mine comme horizon magique » à propos du roman d’Aurélie Filippetti, Les Derniers jours de la classe ouvrière (Stock, 2003) dont on a détaillé le caractère suggestif du titre, on a d’abord procédé à un détour sur les circonstances historiques dans lesquelles a paru ce roman à sujet « politique ».
On a évoqué des publications littéraires récentes en assez grand nombre, ainsi que des productions filmiques, théâtrales ou plastiques s’intéressant à la condition et à la mémoire ouvrières. Ces productions s’inscrivent dans une conjoncture économique marquée par le démantèlement de grands secteurs et régions industriels et dans un changement du contexte idéologique lié à l’effondrement des pays socialistes – lesquels aboutissent à une exclusion des ouvriers des représentations politiques et mentales. Il semblerait que la littérature (l’art) se saisisse de la question in extremis, assumant sa fonction politique de « dépositaire et pourvoyeur de l’imaginaire social » (N. Wolf), s’interrogeant sur les formes d’écriture adéquates au sujet.
Dans son roman qui consigne la liquidation de la mine et de la sidérurgie lorraines à travers l’histoire de plusieurs générations d’ouvriers, le plus souvent immigrés d’origine italiennes, et la figure centrale d’un père syndicaliste, communiste, élu municipal, qui a toujours refusé de devenir autre chose qu’ouvrier, Aurélie Filippetti tend à rendre manifeste l’existence d’une « barbarie » patronale à travers un acte d’accusation précis (avec ses métaphorisations) proféré pour stigmatiser un crime politique (« assassinat », « lente mise à mort » d’un pays, d’une industrie, d’une société) et qui doit rendre justice « même justice de papier » à ceux qui ont été balayés, effacés de l’histoire. Elle oppose à la contre-culture des « nouveaux barbares » les formes d’une réelle culture de la classe ouvrière : celle-ci est attestée par son ouverture à l’autre étranger et son métissage, comme par le domaine partagé, intergénérationnel, que constitue son histoire collective (le plus souvent ignorée et qu’elle publie avec ses hauts-faits et son quotidien) et enfin par son combat pour des valeurs de justice sociale qui sont pensées comme universelles – celles d’un groupe non pas idéal mais qui avait « le pouvoir de s’idéaliser ». Cette histoire est en train de se perdre parce que sa fin a été programmée et que les désillusions politiques lui donnent le coup de grâce, mais aussi parce que le fil de la transmission a été rompu par l’auteur qui a prouvé que les ouvriers pouvaient réussir et ce faisant trahi sa classe d’origine, « trahi parce que leur être fidèle impliquait de les trahir ». C’est l’écriture de l’histoire ouvrière qui permet de rétablir la filiation, de perpétuer l’héritage.
La transmission de la mémoire projetée ne trouve pas parmi les genres répertoriés celui qui s’imposerait avec la force de l’évidence et le texte se situe aux confins de plusieurs voies : il s’inscrit dans un manque du journalisme et refuse le documentaire tout en leur empruntant quelques traits ; il évite l’autobiographie par des procédés d’effacement des indices, insistant sur le caractère collectif des itinéraires et inscrivant dans l’écriture le refus de l’individualisme. Le roman est choisi, la mise en fiction de l’histoire à restituer est sentie comme indispensable. Mais ce roman ne saurait être linéaire. Une esthétique de l’opacité et du heurt, de l’hétérogénéité est seule sentie comme apte à mettre en forme des «destins brisés », une histoire en miettes : en politique comme dans ce roman un certain désordre est l’effet d’un ordre sous-jacent. La fabrique romanesque s’attache également à créer des images fortes, à emblématiser, mythifier. Mais ce qui est constitué en mythe est non le mineur rendu à sa dense humanité mais des lieux, la Lorraine ; la mine est une géographie, inscription dans la terre d’une histoire enterrée. Le paysage, sens dessus dessous, acquiert par la mine une réversibilité, où c’est l’extérieur qui est la doublure de l’intérieur. La mine métaphorise les fondements et une curieuse filiation renversée, comme elle figure les soubassements, la dissimulation et par ses galeries « le dédale enfoui » de la mémoire.
Contre l’oubli se dresse le livre qui doit « traduire, dans la langue de ceux qui ne l’auraient pas connu, ce qui s’était passé », qui a une fonction d’intégration politique et imaginaire de l’histoire ouvrière dans l’histoire commune : « que tout cela ne soit pas mort pour rien ». (RW)
Résumé de la conférence de Bertrand Marquer, UMB-Strasbourg II, « Hystéries républicaines : le nerf de la guerre » du vendredi 15 décembre 2006
A partir des années 1880, la définition de l'hystérie s'incrit clairement dans une optique anticléricale. La pathologisation de la religion est alors récupérée par une littérature qui trouve à la Salpêtrière une forme à la fois esthétique et politique pour dire l'emprise néfaste de la religion sur le corps de la femme. Pourtant, en devenant avant tout le symbole d'un corps sous emprise, l'hystérique littéraire semble renvoyer dos à dos l'ambition politique de la médecine positiviste, et la tutelle obscurantiste de la religion. Pure forme, l'hystérique littéraire diffracte les discours politiques en les réduisant, justement, à leur forme primitive : l'expression d'un pouvoir.
Résumé de la conférence de Dominique Dupart, Paris, « Lamartine ou l'éloquence sensible, l'éloquence à voix nue », 2 février 2007
Du haut de sa tribune domestique, en Bourgogne aimée, pendant la monarchie de Juillet, Lamartine défend un type d'éloquence en laquelle il faut reconnaître l'héritage poétique transmis par Rousseau aux orateurs sensibles du siècle. Lamartine endosse facilement le costume du « paysan berger » [ Les Confidences, 1849] pour parler à ses concitoyens. Il fonde la communauté sublime sur l'échange des inspirations domestiques et intimes qui sont sucitées par les lieux dans lesquels il prend la parole. Lamartine est pasteur des simples, il est l'anti-Lieuvain, l'orateur du discours des Comices dans Madame Bovary. Il tente de parler la première langue des hommes, la langue du sentiment et de la passion [Essai sur l'origine des langues,1755]. Cette langue s'inspire d'un monde antérieur à la révolution industrielle en cours. Elle puise dans un réservoir de figures et de motifs antinomiques à ceux qui règnent dans le discours des Comices. Là où l'arythmétique sociale fait régner l'idéal de la majorité, Lamartine préconise la fusion démocratique. « Mais que vous dirai-je que vous ne sachiez tous mille fois mieux que moi? » L'idéal lyrique transporté à un balcon de campagne chercher à s'approcher du silence en s'adressant à l'intériorité de l'auditoire.
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