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Pour inaugurer ses travaux de poétique historique des textes, dans le cadre du programme quinquennal « Archives de l'œuvre », le CERIEL a choisi de consacrer son séminaire de l'année 2011-2012 à l'écriture documentaire. Plus précisément il s'agira d'étudier les statuts et les valeurs du document, sa légitimité et sa légitimation par la littérature, sa nature et plus généralement son origine (noble/basse, scientifique/de seconde, voire de troisième main). Ainsi sera-t-il utile de typifier le document ? Sources livresques, journalistiques, carnets d'enquête – menée par un autre auteur ou par l'écrivain lui-même –, témoignages écrits ou oraux, journaux intimes, photographies sur le plan formel ; textes d'origines diverses qui acquièrent le statut de document par l'emploi qui en est fait, mais qui ne l'avaient pas en soi, sur le plan du processus littéraire. On pourra se demander dans quelle mesure ces éléments documentaires, allogènes, bien souvent, informent et déforment, ou donnent forme à l'œuvre qui s'en inspire.
Il conviendra également de revenir sur le mode d'intégration du document dans l'œuvre littéraire : est-elle fondue selon un modèle réaliste qui cherche à éliminer toute suture, à dissimuler toutes les marques de l'insertion documentaire ? Est-elle au contraire exhibée ? Voire frappée d'un coefficient de « faire vrai » et peut-être de maniérisme, la brutalité du fait se retournant alors en « fabrique » ? Comment intervient son authenticité, qu'elle soit vraie ou fausse ? Et même où, à quel stade de la création prend-elle place ? Quelle axiologie du document, supposé garant de la véridicité du propos, se met ainsi en place ?
Ce qui relève bien d'une poétique documentaire trouve aussi à s'actualiser dans un cadre plus générique : existe-t-il des genres littéraires plus dépendants du document ? Le roman historique ou la poésie scientifique et technique sont sans aucun doute davantage tributaires de leurs sources. Le document est-il alors uniquement voué à enseigner (doceo) ? Ou a-t-il d'autres vocations, ornementales ou pittoresques par exemple ? Et dès lors, perd-il sa finalité ? Comment se marient l'éthique documentaire et la visée esthétique ?
Le séminaire s'ouvrira par une séance d'actualité, le 22 septembre 2011, consacrée à l'histoire littéraire et qui sera animée par Alain Vaillant, Professeur de littérature du XIXe siècle à l'Université de Paris Ouest-Nanterre, autour de son livre : L'Histoire littéraire, Colin, 2010. Après le Colloque « Faim(s) de littérature » qui se tiendra les 13, 14 et 15 octobre 2011, une séance de travail en atelier réunira quatre collègues strasbourgeois qui présenteront la question du document et de son intégration dans quatre champs : la littérature réaliste (Éléonore Reverzy), la littérature de jeunesse (Philippe Clermont), la littérature contemporaine (Corinne Grenouillet) et l'ethnographie (Brigitte Dodu).
Sauf indication contraire, les séances se tiendront en salle 409 (UFR de Lettres, Le Portique, Côté rue, 4e étage, 14 rue René Descartes).
2 septembre 2011 : présentation par Alain Vaillant (U. de Paris Ouest-Nanterre) de L'Histoire littéraire, Colin, 2010
13-14-15 octobre 2011 : journées du colloque « Faim(s) de littérature », salle Fustel de Coulanges, P. U.
24 novembre 2011 : atelier animé par Brigitte Dodu, Corinne Grenouillet, Éléonore Reverzy autour de l'écriture du document.
2 décembre 2011 : Conférence d'agrégation sur Maupassant
19 janvier 2012 : Isabelle Hautbout (Université de Picardie - Jules Verne) : « Émergence du document dans le roman historique »
Résumé (par l'auteur) : Pourquoi le document émerge-t-il dans le roman historique de la première moitié du XIXe siècle ? Un panorama de la discipline et du roman historiques apporte déjà quelques éclaircissements, en montrant la proximité qu’entretiennent ces deux domaines après la Révolution et la nécessité, pour le roman, de recourir aux documents comme les historiens, alors que ces derniers quittent peu à peu le champ des belles lettres pour entrer dans celui de la science. Une typologie des documents qu’utilisent les romanciers, et des éléments qu’ils y puisent, confirme l’importance de cette pratique, qui peut rester discrète mais s’exhibe bien souvent, en des lieux et façons variés. Interroger les raisons de ces diverses stratégies fait apparaître que les romanciers peuvent difficilement signaler des emprunts trop importants et que la mention du document, quand elle survient, ne vise pas tant la précision qu’un effet sur le lecteur. Comme on peut s’y attendre, il s’agit généralement de conférer au récit romanesque un cachet de vérité. Cependant, une telle tentative d’authentification ne va pas sans difficulté. Ce n’est du reste pas l’unique objet de la monstration du document, qui s’opère aussi dans une perspective polémique. Loin d’être marginale, cette posture critique vis-à-vis du document est fondamentale : c’est elle qui justifie, mieux que toutes les prétentions à l’exactitude, l’écriture romanesque de l’histoire et l’idée que le roman puisse constituer un document à part entière.
Isabelle Hautbout est ATER à l'Université de Picardie Jules Verne, rattachée au Centre d’Etudes du Roman et du Romanesque
9 février 2012 : Christian Poslaniec, « Une étape alchimique dans la création d'un livre (pour la jeunesse) »
Télécharger le CV de Christian Poslaniec
jeudi 15 mars 2012, 18 h : Denis Poissonnier (UdS, doctorant), « La Joie de Vivre, fictionnalisation d'une philosophie et textualisation de documents »
vendredi 30 mars 2012, 14 h (attention cette conférence était initialement prévue le 20 avril): Dominique Meyer-Bolzinger (Université de Haute Alsace) « Les documents dans Rue des Boutiques Obscures, un faux roman policier de Patrick Modiano »
Résumé (par l'auteur) : Les romans policiers classiques racontent l’aventure d’un personnage — le détective — confronté à un défi littéraire : à partir de rien, de l’inconcevable, ou encore d’éléments discordants ou absurdes, il doit élaborer un récit, qu’il profère et valide dans la scène finale où éclate la vérité. Son enquête, ses explications, ses discours méthodologiques peuvent être lus comme les traces, dans la fiction, de la fabrication simultanée du savoir et du récit. C’est pourquoi se trouvent insérés dans le roman policier les documents qu’utilise l’enquêteur : le plan des lieux, les tickets ou les messages qu’il récupère, les listes qu’il établit... Ainsi les archives de l’œuvre sont insérées dans l’œuvre. Ces documents importés révèlent les enjeux de lecture / écriture portés par le personnage principal : l’enquêteur est non seulement une figure de lecteur, parfois en rivalité avec le lecteur réel qui cherche lui aussi à résoudre l’énigme, mais encore une image de l’auteur qui « fabrique » son œuvre à partir des indices.
Patrick Modiano n’a rien d’un auteur de romans policiers mais son roman Rue des Boutiques Obscures (Prix Goncourt 1978) interroge le modèle du roman d’énigme, notamment à travers le statut des documents insérés dans le texte. Modiano a imaginé un privé amnésique qui enquête sur son propre passé et ainsi ancré le récit d’enquête dans ses propres thématiques : la quête du passé, les incertitudes de l’identité, l’archive et la trace. Si le roman a toutes les caractéristiques d’un roman policier classique (détective, énigme, indices, fausses pistes), le caractère inabouti de l’enquête lui donne sa dimension postmoderne. Les documents utilisés par l’enquêteur et insérés dans le texte contribuent tout autant, par leur statut ambigu, à l’avancée de l’enquête qu’à l’irrésolution de l’énigme initiale. Qu’est-ce qui dit mieux qui je suis : la fiche de police ou le témoin disparu ? L’exact ou l’incertain ?
Dominique Meyer-Bolzinger est maître de conférences à l’université de Haute-Alsace (Mulhouse) où elle enseigne la littérature française du XXe siècle. Spécialiste du roman policier, elle s’intéresse aux méthodes d’investigation fictive et aux transferts du roman policier vers la littérature. Elle a publié des articles sur la littérature policière dans de nombreuses revues, ainsi qu’un ouvrage issu de sa thèse de doctorat : Une méthode clinique dans l’enquête policière : Holmes, Poirot, Maigret (Liège, CÉFAL, 2003).
Elle vient de publier : La Méthode de Sherlock Holmes, de la clinique à la critique, Édition Campagne première, 2012.
Bien plus qu’un personnage de roman, Sherlock Holmes est devenu un mythe du XXe siècle. Comment expliquer ce succès ? Par sa méthode d’investigation, qui fait de lui un bien étrange expert, à la fois savant et sorcier. Il est l’initiateur du roman policier centré sur l’élucidation rationnelle d’une énigme, et par là anticipe l’approche psychanalytique. On le prétend scientifique, alors qu’il se réfère plutôt à la clinique. Ainsi caractérisées dans leurs enjeux méthodologiques, les enquêtes de Sherlock Holmes apparaissent alors comme une magistrale leçon d’interprétation dans laquelle est soulignée l’alliance entre la construction d’un récit et la résolution d’une énigme, et où la présence du parodique et du poétique apporte une touche profondément humaine à l’enquête.
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jeudi 5 avril 2012, 18 h : Bertrand Marquer (UdS) « Document et "fantastique réel" (Edmond Picard) à la fin du XIXe siècle »
Le but de cette conférence est de proposer une réflexion sur ce que peut être une poétique documentaire en régime fantastique, au XIXe siècle. La notion même de fantastique est en effet spontanément rattachée au domaine de l’imaginaire, du rêve ou du délire, au domaine de l’illusion en général.
On pense alors, tout aussi spontanément, au rôle du document comme preuve d’un inexplicable, dans des récits qui s’apparentent très souvent à une enquête. Mais le document est, dans cette perspective, un produit textuel, et demeure à ce titre aussi fictif que l’expérience qu’il est censé valider.
En abordant ce qu’Edmond Picard appelle le « fantastique réel », il s’agira alors d’explorer une veine (fin-de-siècle) du fantastique, pour laquelle la fictionnalisation du document (cas clinique ou fait divers) constitue le moteur de l’effet fantastique. Restera alors à essayer de cerner ce qui fait la différence fantastique, dès lors que le récit utilise les mêmes instruments que la littérature réaliste.
BIBLIOGRAPHIE MAUPASSANT
Elle a été établie par Antonia Fonyi et Éléonore Reverzy. Elle est consultable en ligne aux adresses suivantes :
http://etudes-romantiques.ish-lyon.cnrs.fr/
et
http://www.fabula.org/actualites/documents/45420.pdf
D'autres informations paraîtront prochainement.
Contacts : bertrand.marquer@yahoo.fr ; ereverzy@free.fr
Consultez le programme en ligne ou bien téléchargez le programme
« Je crois que la nourriture a une grande action sur la production littéraire », note Edmond de Goncourt le 24 août 1893, avant d’envisager de « faire avec deux alimentations diverses, un de ces jours, […] une nouvelle ou un acte, avec une nourriture restreinte et lavée de beaucoup de thé, et un autre acte ou nouvelle, avec une nourriture très puissante et beaucoup de café ». « Avez-vous songé parfois à l’influence fatale de la cuisine sur le génie de l’homme ? », fait dire Léon Cladel à Baudelaire (Bonshommes, 1879), tandis que Jules Claretie affirme que « [l’]esprit vient en mangeant, comme la faim », pour en déduire que « Voltaire à jeun devait être insupportable » (L’Homme aux mains de cire, 1907).
Rythme de la nutrition et rythme de la création sont ainsi souvent mis en relation chez des écrivains ayant vu naître la gastronomie et se développer un discours médical sur les effets liés aux aliments. Du Traité des excitants modernes de Balzac au Journal des Goncourt, en passant par le Dictionnaire de cuisine de Dumas, l’écrivain joint à l’analyse esthète de la nutrition une réflexion théorique sur ses effets proprement esthétiques.
La première ambition de ce colloque sera donc de réfléchir aux représentations entourant la nutrition littéraire, qu’elle soit envisagée de la manière la plus concrète (quelle nourriture pour quelle œuvre ?) ou volontairement métaphorique (la littérature comme aliment essentiel, prolongement du parallèle biblique entre pain et parole divine). Dans ce cadre, l’analyse des implications du couple nutrition/innutrition ne saurait se limiter à une approche génétique ou poétique : le discours fictionnel sur la nourriture croise également les représentations sociales et politiques de l’artiste. Dans le prolongement des réflexions de Tissot (De la santé des gens de lettres, 1768) aussi bien que de l’aphorisme de Brillat-Savarin (« Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es »), le discours médical se plaît en effet à associer innutrition et malnutrition, l’artiste rejoignant, de ce point de vue, la cohorte des marginaux exclus de ce que Jean-Paul Aron nommait la « folie bourgeoise » (Le Mangeur du XIXe siècle). Si l’apoplexie est la maladie du bourgeois bon mangeur, la neurasthénie guette l’homme de lettres, comme le constate avec nostalgie Maurice de Fleury, auteur, en 1897, d’une Introduction à la médecine de l’esprit : « c’en est fait du beau temps de 1830, où nos poètes, taillés en hercules, se surmenaient sans en souffrir, ne causaient qu’à voix de stentor, pouvaient se passer de sommeil, digéraient des repas de reîtres, vidaient d’un trait des flacons d’eau-de-vie et ne se sentaient jamais plus dispos au travail que quand ils étaient un peu gris ». Faisant fi de ses poètes faméliques, cette reconstruction a posteriori du romantisme comme mouvement de la pléthore (et des pléthoriques) dessine ainsi en creux le portrait orienté d’une modernité caractérisée par l’inappétence (le « Ah ! tout est bu, tout est mangé : Plus rien à dire ! » de Verlaine).
Ce colloque aura donc également pour but d’explorer et d’exposer l’axiologie sous-tendant le rapport littéraire à la satiété, satiété bien souvent présentée comme l’apanage d’un monde honni, celui de bourgeois au « ventre caressé par une digestion heureuse » (Mirbeau, Le Jardin des supplices). La faim en/de littérature peut ainsi relayer des valeurs esthétiques, éthiques ou politiques, qu’il s’agisse d’un Barbey d’Aurevilly fustigeant la « littérature qui mange » à la table des puissants (Les Ridicules du Temps), d’un Knut Hamsun (La Faim) ou d’un Jacob Poritzky (Mes enfers, 1906) faisant de la faim le moteur d’une écriture du rejet, ou d’un Jules Vallès dédiant son Bachelier à « tous ceux, qui nourris de grec et de latin, sont morts de faim ! ». « [Peindre] les exigences de la Gueule » (Balzac, Le Cousin Pons) revient en effet à proposer une lecture du corps social. Le cycle des Rougon-Macquart interprète, de manière exemplaire, le second Empire comme une « montée des appétits » opposant les Maigres et les Gras : la faim y constitue une optique sur la société, et le moyen de figurer le moteur secret de toutes ses actions, à une époque où le darwinisme social impose son axiome carnassier. Mais si l’émergence d’une littérature du ventre et de ses appétits est étroitement liée au développement de l’esthétique réaliste, un personnage comme Des Esseintes, « pour qui "manger pour vivre" devient la plus complexe des opérations » (Françoise Grauby, Le Corps de l’artiste), témoigne également des soubassements idéologiques d’un art de la nutrition intimement lié à la norme bourgeoise : en cherchant à s’inscrire à rebours de son siècle glouton, le personnage de Huysmans fait acte de résistance aristocratique, en postulant que l’on peut se nourrir que de livres.
Pour autant, si le refus de la satiété est souvent associé à une condition ontologique du bien écrire (écrire pour - ou plutôt que - manger), ou à une prise de position idéologique (refuser le modèle bourgeois), la faim concrète ou réelle constitue également le moteur d’une littérature y puisant son propre combustible. Le XIXe siècle marque en effet l’avènement d’une littérature industrielle soumettant l’aspirant écrivain à un impératif alimentaire. Dans une perspective plus sociologique, il pourra être intéressant de s’interroger sur les répercussions que cet impératif a pu avoir sur la manière d’écrire, et sur le rapport que l’écrivain peut entretenir avec cette littérature « alimentaire » - parfois la sienne propre. Littérature alimentaire nourrissant par ailleurs un discours critique calqué sur la gastronomie, devenue manière d’apprécier les œuvres : les Goncourt se moquent ainsi de ces « gens qui aiment à digérer en lisant une prose claire comme un journal » (10 Mai 1856), tandis que Huysmans, dix ans avant la préface d’A rebours, compare le Journal de ces mêmes Goncourt à un « of meat singulièrement nourrissant pour nos estomacs si débilités par les insipides mucilages de la littérature de cet affreux temps » (lettre à Edmond, 1892).
En explorant les parentés entre processus de création et processus d’alimentation, ce colloque, qui se tiendra à Strasbourg les 13, 14 et 15 octobre 2011, tentera ainsi d’analyser leurs traductions littéraires, à la confluence de la poétique, de l’histoire des mentalités et de l’histoire sociale.
Les Recherches croisées Aragon / Elsa Triolet n° 13, Presses Universitaires de Strasbourg, 2011
Publié aux Presses Universitaires de Strasbourg, ce treizième numéro de la série Recherches croisées Aragon / Elsa Triolet comporte trois dossiers, un ensemble de lettres inédites et une interview d’Aragon inédite en français. Plusieurs chercheurs se sont penchés sur les liens de l’œuvre d’Aragon avec l’histoire : Marie-France Boireau examine le paradoxe qui inscrit les premiers romans du Monde réel à la fois dans la certitude militante mais aussi dans la hantise, tragique, de la fatalité de la guerre. Aurore Peyroles revisite Les Communistes (1ère version) sous l’angle de l’opposition structurante entre bonnes et mauvaises histoires (selon les travaux sur le storytelling de Salmon et Citton). C’est de ce roman que part Corinne Grenouillet, en particulier d’un épisode de la Seconde Guerre mondiale narrant le sacrifice de soldats africains en mai 1940 il est mis en relation avec le traitement de la question coloniale par Aragon depuis le surréalisme jusqu’au début des années 1950. Avec l’historien Erwan Caulet, le regard sur Aragon se décentre, car il interroge l’écrivain comme critique littéraire (dans Les Lettres françaises) au miroir de son appartenance à la critique littéraire communiste prise dans son ensemble. D’un point de vue plus stylistique, Julie Morisson s’attache elle aussi aux articles de critique d’Aragon parus dans les années 1953-1955 dans Les Lettres françaises : constitués sur un modèle « conversationnel », marqués par une prose sensible à la lisière du poétique, ils se détachent par leur singularité sur un fond de débats sur « l’art de parti ». Le dossier Elsa Triolet comporte une contribution de Marianne Delranc : elle montre comment Elsa Triolet a participé à la diffusion et à la connaissance en France des structuralistes et formalistes russes qui comptaient au nombre de ses amis et comment elle utilise Les Lettres françaises en 1968 pour riposter aux attaques de la revue russe Ogoniok contre Lili Brik, la « veuve » de Maïakovski.
Le dossier « Aragon, arts et intertextes » révèle la richesse et la complexité du dialogue qu’Aragon a entretenu avec la peinture : Maryse Vassevière se penche sur un pan de l’œuvre inexplorée, les articles que l’écrivain consacre à la peinture soviétique dans les années 1950 et où se joue un dialogue avec Breton. Josette Pintueles étudie l’illustration de L’Œuvre poétique dont l’architecture contribue, par les jeux d’écho, intertextuels ou interpicturaux, à faire circuler le lecteur à l’intérieur d’un Tome ou d’un Tome à l’autre. Quant à Patricia Principalli-Richard, elle montre les répercussions d’une lecture d’enfant, Le Général Dourakine de la Comtesse de Ségur, sur l’imaginaire d’Aragon et sur l’invention du personnage de Simon Richard dans La Semaine sainte.
Des lettres inédites d’Aragon à des « jeunes gens » des années 1970, en particulier au poète Henri Droguet (qu’il publia dans Les Lettres françaises), ainsi qu’une interview inédite en français au magazine italien Rinascita (datant de 1968) bouclent ce numéro 13.
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Corinne Grenouillet, qui a coordonné les Recherches croisées Aragon / Elsa Triolet n° 13 au nom de l’Équipe de recherche interdisciplinaire Aragon / Elsa Triolet (ÉRITA), est maître de conférences à l’Université de Strasbourg. Elle a publié deux autres livres, en collaboration avec Éléonore Reverzy, aux Presses Universitaires de Strasbourg, : Les Voix du peuple (2005) et Les Formes du politique (2010).
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