Dans le cadre du séminaire « Frontières des Mémoires : mémorialistes,...
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Dans son programme quinquennal consacré aux « Archives de l'œuvre », le CERIEL a engagé une réflexion sur la relation entre littérature et savoirs. Il s'agissait alors de définir la manière dont l'œuvre littéraire travaille le savoir, l'investit pour engendrer un nouveau savoir, produit d'une forme de régurgitation de la science acquise. Les deux années consacrées au document comme source du travail littéraire ont permis d'explorer cet amont de la création littéraire. Le dernier séminaire, en 2013-2014, a porté sur le savoir économique et a poursuivi, dans un domaine spécifique, cette exploration. Nous entendons désormais nous pencher sur le savoir produit par l'œuvre et regarder donc vers l'aval.
La question de l'événement, de ce qui fait date, est commune à la littérature et à l'histoire. L’événement historique peut être défini comme le surgissement de quelque chose de radicalement nouveau, qui revêt un caractère imprévisible, a la capacité à bouleverser le monde dans lequel il survient, et affecte un grand nombre de personnes. Mais il doit aussi être défini par sa propagation, dans la presse comme dans la littérature au sens large (Michel Winock, « Qu’est-ce qu’un événement ? », L’Histoire, n° 268, 2002). C’est dans la mesure où l’événement retentit dans le présent de multiples sujets et se traduit par des mises en discours (qu’elles soient littéraires ou non) qu’il devient autre chose qu’un simple fait anecdotique. L’Affaire Dreyfus en est un bon exemple, devenue « événement » par sa diffusion dans la presse, puis par ses figurations dans la littérature (chez Zola, Proust ou Aragon), soit dans des transpositions (Vérité de Zola transpose l'Affaire sur fond de guerre scolaire et remplace l'accusation d'espionnage par un crime d'enfants), soit comme un fait capital de l'entre deux siècles. L’événement est dès lors construit (et peut être appréhendé) par les discours qui sont tenus sur lui, par les traces mémorielles et discursives qu’il laisse, suivant la proximité ou l'éloignement qui détermine des représentations plus ou moins élaborées. Ces divers modes de représentations de l'événement dans la littérature, ainsi que leurs supports (nature de la publication, légitime ou non, par exemple) en modifient le sens et la portée. Ainsi la « littérature du trottoir » étudiée par Jean-Yves Mollier est de ces formes hyper-réactives et hybrides (libelles, pamphlets, chansons, pièces poétiques…) qui, diffusée par les camelots sur les boulevards de la Belle époque, enregistre à chaud l'événement et contribue à sa construction (Jean-Yves Mollier, Le camelot et la rue. Politique et démocratie au tournant des XIXe et XXe siècles, Fayard, 2004).
Si le philosophe Alain Badiou définit l’événement comme « toute chose qui était impossible et qui est devenue possible », Gilles Deleuze et Félix Guattari considèrent que le possible est plutôt « créé par l’événement » (« Mai 1968 n’a pas eu lieu » Les Nouvelles littéraires, 3 mai 1984), ce qui signifie que l’événement propose une ouverture sur le futur. Les historiens d’aujourd’hui interrogent en effet l’événement par ce qui vient après lui (et ne l’analysent plus comme l’aboutissement d’une suite causale). L’historien François Dosse le caractérise ainsi par une double nature. Selon lui, l’événement est en effet tout à la fois « sphinx » et « phénix » (Renaissance de l’événement, un défi pour l’historien, Presses Universitaires de France, 2010) : quand il survient, il défie nos capacités de raisonnement et de compréhension, au point qu’il n’est pas toujours identifié comme tel ; et par ailleurs le véritable événement n’est peut-être jamais tout à fait clos, puisqu’il peut toujours renaître de ses cendres, et se voir ainsi rejoué ailleurs, et autrement, de façon différée et différente – par exemple une révolution, l’avènement d’une esthétique, l’adoption d’une posture sociale, politique ou littéraire...
La littérature, au même titre que l’histoire, donne sens à l’événement en le parlant : elle sait aussi voir (et faire voir) l'événement dans un fait passé inaperçu ou jugé sans importance. Elle identifie et pointe, pour le dégager du flux ordinaire du factuel, ce qui fait sens. Dans cette mesure, on peut donc évoquer le « savoir historique » de la littérature.
Bibliographie provisoire :
Gilles Deleuze et Félix Guattari, « Mai 1968 n’a pas eu lieu », Les Nouvelles littéraires, 3-9 mai 1984, repris dans G. Deleuze, Deux régimes de fous, Minuit, 2003, p. 155.
François Dosse, Renaissance de l’événement, un défi pour l’historien, Presses Universitaires de France, 2010.
Michel Winock, « Qu’est-ce qu’un événement ? », L’Histoire, n° 268, 2002
Que se passe-t-il ? Événement, sciences humaines et littérature, D. Alexandre, M. Frédéric, S. Parent et M. Touret (dir.), Rennes, PUR, 2004.
Qu'est-ce qu'un événement littéraire ? Corinne Saminadayar-Perrin (dir.), Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2008
Les Révolutions littéraires aux XIXe et XXe siècles, Agnès Spiquel et Jean-Yves Guérin (dir.), Presses universitaires de Valenciennes, 2006.
Jeudi 18 décembre 2014 (18 h, salle 409) : Sabrina Parent, Fonds National de la Recherche Scientifique, Université Libre de Bruxelles, « (Ré-) Interpréter l'événement historique à l'aune du “fait littéraire”: Réflexions à partir de la mutinerie et du massacre de Thiaroye »
Sabrina Parent est l'auteur de Cultural Representations of Massacre. Reinterpretations of Mutiny of Senegal, Palgrave Macmillan, 2014
Pour en savoir plus sur Thiaroye, Sabrina Parent nous signale que deux émissions de l'historien Elikia M'bokolo sont disponibles en podcast sur RFI :
30 novembre 2014
7 décembre 2014
Ainsi que plusieurs articles sur Mediapart :
« Thiaroye 1er décembre, pour solde de tout compte »
« Thiaroye, un procès en révision s'impose »
« Thiaroye, pour une vraie reconnaissance du massacre »
Jeudi 5 février 2015 (18 h, salle 409) : Perluigi Pellini, Université de Sienne, « Sources économiques, écriture de l'histoire et logique de l'utopie dans Germinal »
Vendredi 13 février 2015 (14 h, salle 409) : Anthony Mangeon, « L'invisibilité du visible. Repenser l'avènement /événement du mage noir dans la peinture occidentale à la lumière de la littérature antillaise contemporaine »
Jeudi 12 mars 2015 (18 h, salle 409): Damien Zanone (Université de Louvain), « Waterloo, ou comment dire un événement en littérature »
Jeudi 26 mars 2015 (18 h, salle 409): Niklas Bender (Université de Freiburg), « L'événement dans le roman historique de Victor Hugo : l'exemple de Quatrevingt-treize »
Jeudi 16 octobre 2014 (18 h, salle 409) : Séminaire d'actualité. Le CERIEL recevra Andrea Del Lungo, Professeur à l'Université de Lille pour son livre La Fenêtre. Sémiologie et histoire de la représentation littéraire, paru au Seuil, dans la collection Poétique, en 2014.
Écouter A. Del Lungo sur France-Culture : Alain Veinstein reçoit Andrea Del Lungo
Vendredi 7 novembre 2014 (14 h, salle 203 Côté Campus) : Conférence d'agrégation (Baudelaire, Le Spleen de Paris) : Alain Vaillant (Université de Paris Ouest-Nanterre)
Vendredi 23 janvier 2015 (14 h 30, salle de la Table Ronde à la MISHA) : Rémy Poignault, « Hadrien et les ombres », conférence d'agrégation sur Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar, en lien avec le programme Voir des fantômes.
L’empereur Hadrien, chez Marguerite Yourcenar, a un aspect solaire très marqué dans le groupement de chapitres de Mémoires d’Hadrien intitulé « Saeculum aureum », mais c’est aussi un être en quête spirituelle ; il pratique les sciences occultes et il côtoie ou essaie d’évoquer à plusieurs reprises les ombres pour répondre à ses interrogations et surmonter la crise ouverte par la mort de l’aimé. L’humanisme qui nous est présenté ici est « un humanisme qui passe par l’abîme ».
COLLOQUE « LES GONCOURT HISTORIENS »
placé sous le haut patronage de l'Académie Goncourt organisé à l'Université de Strasbourg
par l'EA Configurations littéraires et
l'EA Arts Civilisation et Histoire de l'Europe
sous la responsabilité d'Éléonore Reverzy et Nicolas Bourguinat
9-10 avril 2015
salle Fustel de Coulanges, Palais universitaire (Programme provisoire)
Jeudi 9 avril 2015
9h Accueil des participants
9h15 Mot de bienvenue de la Directrice de l'EA « Configurations littéraires »
9h30 Daniel Peter, Conservateur en chef des Archives municipales de Nancy, « Présentation du Fonds Goncourt aux Archives de Nancy »
10h15 Pierre-Jean Dufief, Université de Paris Ouest-Nanterre, «Les Goncourt et l'archive vivante »
11h-11h15 pause
11h15-12h Sébastien Roldan, Université du Québec à Montréal/CERIEL (UdS), « Sortir de l’Histoire et entrer au temps présent dans les récits des Goncourt entre 1856 et 1861 »
12h-12h45 Érica Wicky, UQÀM, « Le détail et l'histoire selon les Goncourt »
13h déjeuner au Restaurant universitaire
14h30-15h15 José-Luis Diaz, Université Paris VII-Denis Diderot, « Les Goncourt : l'histoire littéraire au jour le jour »
15h15-16 h Jean-Louis Cabanès, Université de Paris Ouest-Nanterre, « Les Goncourt et les styles de vie »
16h-16 h15 pause
16h15-17h Guy Ducrey, Université de Strasbourg, « Les Goncourt historiens de la mode. De l’histoire au système »
17h-17h 45 Christine Peltre, Université de Strasbourg, « Écrire l’orientalisme avec les Goncourt » 17h45-18h30 Peter Vantine, Saint Michael's College, Vermont, « La Révolution et l'art chez les Goncourt »
18h30-19h15 Marine Le Bail, Université de Toulouse-Jean Jaurès/Bibliothèque de l'Arsenal, « La bibliophilie des Goncourt au service du XVIIIe siècle, entre conservation et recréation »
20 h dîner
Vendredi 10 avril 2015
9h-9h45 Nicolas Bourguinat, Université de Strasbourg, « Les Goncourt et la femme au XVIIIe siècle : un terrain d'enquête pionnier ? »
9h45-10h30 Émilie Sermadiras, Université de Paris IV-Sorbonne, « Les Goncourt face à l'histoire religieuse anticléricale »
10h30-11h15 Federica D'Ascenzo, Université D'Annunzio, Chieti-Pescara, « Les Goncourt : une vision antilibérale de l'histoire »
11h15-11h30 pause
11h30-12h15 Philippe Geinoz, Fonds national suisse de la recherche scientifique, « Fragments d'histoire future : usage des États-Unis dans les romans d'Edmond de Goncourt »
12h30 déjeuner au restaurant universitaire
14h00-14h45 Véronique Cnockaert, UQÀM, « L’arabesque et la ligne de l’Histoire. Corporéité scripturale dans Renée Mauperin »
14h45-15h30 Sirin Dadas, Université libre de Berlin, « Une autre histoire de l'art : Manette Salomon »
15h30-15h45 pause
15h45-16h30 Sophie Pelletier, Figura/UQÀM, « Les jouets de Chérie : fracture et impasse d’une ligne du temps »
16h30-17h15 Sophie Lucet, Université de Paris VII-Denis Diderot, « Les Goncourt et le drame historique. Le projet de La Patrie en danger et ses vicissitudes »
17h15-18h Michael Rosenfeld, Université de Strasbourg, «Le Journal des Goncourt et la ''pédérastie'' – rumeur, conjecture ou récit historique ? »
18h-18h30 Conclusions du colloque
Que dit la littérature contemporaine sur la mémoire de la traite...
L'Institut de littérature comparée et son groupe de recherches L'Europe...
Pascal Dethurens présentera son dernier livre Astres. Ce que l'art doit au...