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28 février-1er mars 2019
Johann Goeken, Bertrand Marquer et Enrica Zanin
Salle Guy Ourisson, Institut Le Bel
La Grèce ancienne nous a transmis l’intérêt que nous manifestons à l’égard de la conversation qui se développe entre convives. Depuis l’épopée homérique, le repas et l’hospitalité ne se conçoivent pas sans échange de paroles, le silence étant associé à l’ivresse excessive, à l’asociabilité ou à la barbarie. En tant qu’élément principal de la vie sociale des Anciens, le banquet grec (symposion) et le banquet romain (cena) ont suscité toute une littérature qui confirme cette emprise idéologique de la parole. Au début du iie siècle de notre ère, en écrivant le Banquet des sept sages et les Propos de table, Plutarque témoigne de la vivacité d’une tradition particulière : celle du genre littéraire et philosophique du « Banquet » qu’il fait remonter à Platon et Xénophon et qui est illustrée par de nombreux auteurs. Cette tradition a ceci de particulier qu’elle s’organise autour de deux options principales : la première, d’inspiration philosophique, privilégie la mise par écrit de discours tenus dans des banquets, quand la seconde, plus littéraire en affichant une intention parodique ou satirique, s’attache aussi aux autres composantes du banquet et non à la seule conversation. Or il se trouve que ces deux courants, qui correspondent à des pratiques historiques ou idéalisées, ont donné lieu à de nombreux avatars dans la littérature en général et ont été importés dans d’autres genres littéraires, que ce soit en poésie (on pense aux chansons anacréontiques ou aux toasts), au théâtre (cf. la Salomé d’Oscar Wilde), dans l’historiographie (voir Hérodote, Xénophon ou Plutarque) ou dans le roman (voir Le Festin de Babette de Karen Blixen, Le dîner de trop d’Ismail Kadaré ou Les invités de Pierre Assouline).
Les journées d’étude organisées le 28 février et le 1er mars 2019 ont l’ambition de faire réfléchir à la tradition littéraire des « propos de table » d’une manière diachronique et comparative, en conviant des spécialistes de l’Antiquité gréco-romaine, de la littérature française et de la littérature générale et comparée. Le point de départ de la réflexion est fourni par Plutarque, qui présente les différents types de conversation propres au banquet dans la préface du livre II de ses Propos de table (629 C-E). Certains sujets, d’ordre pratique, concernent le banquet lui-même, tandis que d’autres procèdent d’une curiosité naturelle qui convient mieux aux circonstances que la flûte ou la lyre (symboles du divertissement facile et vulgaire). Se dégagent ainsi deux types de conversations : d’un côté, les propos qui concernent le banquet lui-même (sympotika), par exemple : le vin, la nourriture, le placement des convives ; de l’autre, les propos tenus à table (symposiaka) qui concernent d’autres sujets, plus variés et plus généraux, par exemple : l’amour, le droit ou les sciences naturelles. De ces deux groupes, le premier est plus spécifique et obéit à une logique spéculaire, tandis que le second, plus général, peut englober le premier (d’où le titre Symposiaka donné à l’ouvrage de Plutarque).
Les journées d’étude sont consacrées aux problématiques suivantes :
- les représentations littéraires de la conversation à table : modalités, valeur littéraire et historique
- les propos de table dans les différents genres littéraire
- la théorisation des propos de table dans la littérature de banquet et dans les manuels de civilité
- la réflexion sur la conversation de banquet dans la littérature (en dehors de la tradition conviviale)
- la réflexion sur les différents types d’énoncés prononcés par les convives
Dans tous les cas, il s’agit d’étudier la conversation des convives soit comme motif ou topos littéraire, soit comme genre littéraire. Le but de la rencontre est à la fois d’analyser l’évolution des représentations et de mettre au jour la présence d’éléments récurrents.
PROGRAMME
Jeudi 28 février
14h00 : Introduction (Johann Goeken, Bertrand Marquer, Enrica Zanin)
14h30 : Johann Goeken (Strasbourg), « Les propos de table dans le Banquet de Platon ».
15h00 : Marie-Pierre Noël (Paris-Sorbonne), « Socrate et Cyrus ‘entremetteurs’ : la question de la formation des couples dans le Banquet et la Cyropédie de Xénophon ».
15h30 : discussion et pause
16h15 : Catherine Schneider (Strasbourg), « Le festin de Trimalcion ou l’échec de la convivialité »
16h45 : Luciana Romeri (Caen-Normandie), « Les erotika d'Athénée de Naucratis »
17h15 : discussion
Vendredi 1er mars
9h : Mathieu Arnold (Strasbourg), « Autobiographie et théologie dans les Propos de table de Martin Luther (1531-1546) »
9h30 : Raphaëlle Errera (Strasbourg), « De quelques banquets au sommet du Parnasse (XVIIe siècle) »
10h00 : Emmanuelle Sempère (Strasbourg), « Le borborygme comme "propos de table": les reconfigurations scandaleuses d'un topos dans Le Neveu de Rameau »
10h30 : Discussion et pause
11h15 : Enrica Zanin (Strasbourg, IUF), « quand raconter c’est digérer : les nouvelles de la Renaissance comme propos de table »
11h45 : Bertrand Marquer (Strasbourg, IUF), « Physiologie du goût (Brillat-Savarin) ou les "Symposiaques de la bourgeoisie" »
12h15 : discussion et repas
14h00 : Guy Ducrey (Strasbourg), « Un Banquet d’artistes à la fin du xixe siècle, ou quand Catulle Mendès noircit Balzac »
14h30 : Luc Fraisse (Strasbourg, IUF), « L'épaisseur romanesque des propos de table chez Proust »
15h00 : discussion et pause
15h45 : Patrick Werly (Strasbourg), « Le dîner de To the Lighthouse de Virginia Woolf (1927) : conversation et discours intérieur »
16h15 : Suzel Meyer (Strasbourg), « "La polyphonie bruyante des repas de fête" chez Annie Ernaux »
16h45 : Corinne Grenouillet (Strasbourg), « Les conversations de table dans la littérature en prose du XXIe siècle : essai de cartographie »
17h15 : Discussion et conclusion
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