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Florence BEILLACOU

 

Titre de la thèse : "L’anti-romantisme de Zola et des naturalistes", sous  la direction de Mme Eléonore Reverzy (depuis 2012)

 

Résumé de la thèse

Dès le début de sa carrière littéraire, Zola se bat contre le romantisme, et c’est en grande partie autour de cette polémique qu’il cherche à fédérer le « groupe » naturaliste, dont le recueil de 1880 Les Soirées de Médan, auquel participent à ses côtés Henry Céard, Guy de Maupassant, Léon Hennique, Paul Alexis et Joris-Karl Huysmans, proclame l’existence. La haine affichée du romantisme unit les auteurs naturalistes dans un même combat contre l’-isme d’hier, en faveur d’une nouvelle esthétique et d’un nouveau mouvement de pensée : le naturalisme. Elle leur permet d’occuper le terrain de l’édition et du journal, et apparaît d’abord comme une stratégie pour conquérir le champ littéraire. Mais c’est aussi à travers cette polémique que les naturalistes construisent leur propre esthétique, et se positionnent sur des questions telles que le rapport de la littérature à la société et à la politique. On se propose donc d’étudier l’anti-romantisme chez les auteurs dits « médaniens » de 1880 – année des Soirées de Médan qui voit se constituer le « groupe » naturaliste – à 1887, date à laquelle fut publié le « Manifeste des Cinq », dans lequel cinq jeunes écrivains renièrent publiquement leur allégeance au maître Zola et à sa méthode naturaliste. On étudiera le combat anti-romantique des naturalistes tel qu’il fut mené durant ces sept années dans les journaux, à travers des articles critiques et théoriques, mais aussi tel qu’il apparaît dans les œuvres littéraires comme le roman de l’artiste de Zola, L’œuvre.

La bataille du naturalisme contre le romantisme offre un exemple sans précédent du nouveau régime de guerre instauré dans les lettres par la révolution romantique elle-même : il faut être ennemi du passé afin de produire la littérature du temps présent ; le principe de l’avant-garde est un principe fondamentalement négatif. En théorie, il s’agit de tout détruire, de mépriser les ancêtres et les aînés, d’être « un révolutionnaire, c’est-à-dire un ennemi farouche de ce qui vient d’exister »1. Néanmoins, Zola choisit dans l’histoire de la littérature des alliés prestigieux qu’il enrôle dans son combat contre le romantisme (notamment Balzac et Flaubert). Son action, tout en s’inscrivant dans cette nouvelle logique « de guerre », essaie en même temps d’y échapper. Car ce que Zola veut pour le naturalisme, c’est la pérennité, la stabilité ; que le naturalisme soit la littérature du siècle ; non pas une révolte stérile mais l’aboutissement logique de la marche politique, sociale et esthétique de l’Histoire. Cette bataille pour le siècle est essentielle dans le combat zolien contre le romantisme et contre Hugo, « l’homme-siècle »2, qui prétend lui-même être un représentant de la littérature du XIXe siècle. Quelles sont les raisons idéologiques de ce choix problématique de Zola de se réclamer tout à la fois de l’avant-garde et du classicisme, d’être un ennemi avant-gardiste et non pas conservateur de ce qui pour la majorité des hommes de son temps incarne la révolution en littérature et la modernité littéraire : le romantisme ?
Nos recherches nous amèneront à étudier plus avant la façon dont est perçue et dont se construit l’histoire littéraire du XIXe siècle, à travers notamment le discours des auteurs naturalistes sur le romantisme. Nous tenterons de mesurer l’influence que tous les discours critiques et théoriques du naturalisme ont eue sur notre perception actuelle de l’histoire littéraire du XIXe siècle, et sur la perception idéologique de ses mouvements : c’est en grande partie le discours naturaliste qui a fait de Balzac et Flaubert des réalistes, voire des précurseurs du naturalisme. C’est aussi Zola qui a enfermé, pour une partie de la critique du moins, Hugo dans un rôle de poète visionnaire, et exclu de l’histoire du roman Hugo, Sand et Vigny.

Mais il s’agira aussi de ne pas limiter cet anti-romantisme à des enjeux purement esthétiques. Car la polémique initiée par Zola contre le romantisme est également politique. Si la IIIe République naît en 1870, il faut attendre 1877 pour qu’elle soit solidement fondée. Après la défaite militaire et l’épisode traumatisant de la Commune, le combat des Républicains est plus que jamais d’actualité, et les batailles littéraires ont pour toile de fond cette situation politique tendue. Dans ce cadre, les déclarations de Zola identifiant le naturalisme à la littérature de la République peuvent apparaître comme une provocation3. En effet, certains romantiques, à travers notamment la mémoire de leurs actions en 1848, apparaissent comme des artisans de la République nouvellement fondée. Romantisme et Républicanisme ont fini après bien des aventures par s’incarner et s’identifier dans la personne de Victor Hugo, le grand homme de la IIIe République, indissociablement poète et homme politique. Les naturalistes se lancent ainsi dans une polémique dont les enjeux sont les fondements idéologiques de la nouvelle République et de sa nouvelle littérature.

Aux yeux de Zola, si la République veut s’installer durablement et permettre le progrès, elle doit prendre pour base solide le naturalisme. L’auteur des Rougon-Macquart est un républicain convaincu, et même un républicain de la veille, ainsi qu’il le revendique dans ses articles, c’est-à-dire qu’il a milité pour la République dès les années 1860. Dans les années 1880 auxquelles nous nous intéressons, il n’est pourtant pas encore une figure politique, à l’inverse de Hugo. Et pourtant, l’opposition de Zola au romantisme est bien une opposition d’ordre politique. Toutefois, ce ne sont pas les orientations politiques des romantiques – du reste si diverses – qui provoquent ses attaques, mais un désaccord profond sur les liens qui doivent exister entre la littérature et la politique, et sur le rôle « politique » dévolu à l’écrivain. Il s’agit d’un conflit de fond sur ce que doit être la politique par rapport à la littérature, et la littérature par rapport à la politique, et sur les moyens de leur efficacité respective. Chez Zola, la critique du modèle romantique de l’articulation entre politique et littérature prend la forme d’un combat contre Hugo, le prophète romantique par excellence, auquel il va opposer bien des années plus tard, au tournant du siècle, un modèle mêlant engagement de l’écrivain et extrême indépendance, bientôt baptisé « l’intellectuel ». Dans la lignée de Flaubert, les naturalistes dénoncent les méfaits de l’humanitarisme et de la rhétorique « quarante-huitarde » d’un Lamartine, qui selon eux contamine encore les débats politiques et empêche toute efficacité politique, puisque cette rhétorique romantique est basée sur des idéaux et non sur des faits, comme le voudrait la méthode scientifique proposée par les naturalistes. Les enjeux du combat anti-romantique des naturalistes sont donc largement politiques : il s’agit de déterminer quels seront les fondements idéologiques de la nouvelle République. Les naturalistes cherchent à imposer le naturalisme comme la littérature de la République, le mouvement de pensée qui accompagne le siècle démocratique.

Les romantiques ont revendiqué une littérature moderne, c’est-à-dire avant tout une littérature qui exprime son temps. Mais ce rapport au monde moderne n’est pas dépourvu d’ambivalence, la représentation de la modernité n’étant pas nécessairement sa promotion. Pour Zola, seul un auteur qui accepte et même aime son époque peut prétendre à la modernité. Pour de nombreux romantiques en revanche, la modernité en littérature s’accompagne d’une vision très critique de l’époque contemporaine pouvant aller jusqu’au mépris affiché de ses contemporains, et d’un véritable scepticisme à l’égard de la démocratie. C’est le « drame de la démocratisation » ressenti comme tel par de nombreux écrivains romantiques, dont Musset en particulier, et ces « Kamchatka » du romantisme que sont à bien des égards Flaubert et Baudelaire. On ne retrouve pas chez Zola cette angoisse de la massification, ce dégout pour la démocratie. La bêtise de certains bourgeois le désespère certes, mais plutôt que de la voir comme une caractéristique du monde moderne, il la considère comme un trait de l’homme éternellement dominé par ses appétits ; et ces tristes constats sont compensés chez lui par un optimisme scientifique proprement positiviste. Il croit en l’amélioration des conditions de vie de l’humanité grâce à la science et grâce à l’application de la méthode naturaliste à la littérature, aux arts et à la politique. Si certains auteurs naturalistes sont gagnés au cours de leur carrière par un pessimisme très marqué, ils partagent pour la plupart, au début des années 1880, l’idéologie positiviste de leur maître Zola et sa croyance dans le progrès.
L’anti-romantisme des naturalistes est donc une véritable bataille idéologique autour de notions tout à la fois esthétiques et politiques qu’il nous faudra explorer : modernité, démocratie, progrès. Ces réflexions nous amèneront à nous interroger sur l’éthos de l’artiste moderne tel que l’ont forgé des écrivains comme Flaubert, Baudelaire, Hugo, Zola et ses disciples naturalistes : héroïsme désespéré de Flaubert face au « triomphe démocratique de l’indistinction »4, statut de prophète pour Hugo, posture indépendante et scientifique pour Zola. Les écrivains du XIXe siècle, qui ont la chance comme l’a dit Hugo de « sortir d’une genèse, d’arriver après une fin du monde » 5, cherchent leur place, leur rôle social et historique, et ce faisant, par leurs œuvres et leurs discours, élaborent l’histoire des modernités littéraires, accompagnent les transformations politiques et sociales du siècle.

 

Domaine de recherche :

Zola, naturalisme, histoire des idées, histoire littéraire

 

Diplômes, formation:

  • M2 de littérature française,
  • CAPES de lettres modernes

 

Expérience professionnelle :

3 années comme doctorante contractuelle à l’Université de Strasbourg : cours de littérature française à des élèves spécialistes et non spécialistes de L1 et L2.

 

Participations à des colloques ou journées d’étude :

 Beillacou (Florence) et Amazan (Louise), « Une mise en scène baroque de Suréna de Corneille, colloque La Transmission des textes d’Ancien Régime, Université de Haute Alsace, 21-23 mars 2013, dir. Anne Réach-Ngo et Véronique Lochert. [Actes à paraître chez Littératures classiques].

 Beillacou (Florence), « Le discours romantique à l’épreuve de la fiction naturaliste », journée d’études doctorales, Université de Zurich, 10 octobre 2014.

Beillacou (Florence), « Zola et « la guerre à l’idéal » : idéalisme, académisme et romantisme dans les écrits sur l’art et la littérature », colloque des Doctoriales de la Société des Etudes romantiques Ce qu’idéal veut dire : définitions et usages de l’idéalisme au XIXe siècle, Université Paris Diderot, 5 avril 2014.