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Samia MYERS

Doctorante contractuelle (2018-2021)

Titre de la thèse : « Plumes ouvrières, littératures en action. Lieux et formes d’action des littératures d’ouvriers et d’ouvrières de la première moitié du XXe siècle ».

Sous la direction de C. Grenouillet

Thèse soutenue le 25 octobre 2024

Jury :

Corinne Grenouillet (professeure de littérature française des XXe et XXIe siècles à l’Université de Strasbourg)

Judith Lyon-Caen (directrice d’études à l’EHESS), pré-rapporteuse

Paul Dirkx (professeur de littératures francophones à l’Université de Lille), pré-rapporteur

Xavier Vigna (professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris Nanterre), examinateur

Marta Caraion (professeure de littérature française à l’Université de Lausanne), examinatrice

Dinah Ribard (directrice d’études à l’EHESS), présidente

 

Résumé :

Cette thèse porte sur les écrits littéraires d’ouvriers et d’ouvrières, d’hommes et de femmes ayant travaillé dans les usines, les ateliers, les chantiers, les exploitations agricoles ou encore la mine entre les années 1900 et 1950. Pour dire la condition ouvrière, ceux-ci ont investi de nombreuses formes littéraires, et ont sollicité, pour la publication de leurs écrits, des institutions littéraires ; ils ont exploré, par ailleurs, une pluralité de styles et de voix.

Par exemple, Lucien Bourgeois (1882-1947), ouvrier sans qualification aux métiers multiples, a écrit son autobiographie et pratiquait également la poésie et le roman. Marguerite Audoux (1863-1937), couturière, fit, dans deux fictions autobiographiques, le récit de sa vie et de celles de ses compagnes de labeur. Jean Pallu (1898-1975), ouvrier dans l’automobile, s’essaya à la nouvelle ; Constant Malva (1903-1969) écrivit, des profondeurs de la mine, un journal de bord. On doit à Henry Poulaille (1896-1980), outre son travail inlassable de promotion des écrivains ouvriers, une vaste fresque romanesque. Plus tardivement, Georges Navel (1904-1993), ajusteur mécanique, pratique lui aussi l’autobiographie et la poésie.

Ces auteurs, censés, du fait de leur situation économique, n’avoir ni assez de temps, de ressources financières ou d’instruction pour se consacrer à une activité littéraire, ont pourtant choisi de s’exprimer (ou d’exprimer quelque chose) en littérature. N’est-ce pas alors aussi la tâche des chercheurs en littérature (en même temps que celle des historiens, des sociologues et des anthropologues) de proposer des méthodes pour l’analyse de ces travaux ? Comment lire ces écrits, en littéraires ; comment rendre compte, au plus près du texte, de ce recours inattendu à la pratique de la littérature, sans les cantonner à une fonction documentaire ?  

Pour tenter de répondre à ces questions, il est nécessaire d’adopter une approche qui soit à la fois microtextuelle et contextuelle. Cela revient à mobiliser conjointement des outils analytiques de la critique littéraire et linguistique et des sciences sociales, afin de lire les formes d’écriture au plus près des formes de vie et de travail qu’elles mettent en mots. Il ne s’agira ni d’extraire de ces écrits des informations sur la condition ouvrière à un moment donné, ni de tenter d’évaluer la justesse de la représentation littéraire du réel, mais plutôt d’observer en quoi ces modes d’existence, d’une part, et ces manières d’écrire, de l’autre, s’influent et se travaillent.

Alors, nous pourrons nous demander, non pas seulement ce que ces textes disent mais bien plutôt ce qu’ils  font. Que font les effets littéraires, identifiables grâce aux méthodes de la critique littéraire, dans le texte publié d’un ouvrier ou d’une ouvrière, à la matière qu’ils décrivent, c’est-à-dire aux contraintes sociales, professionnelles et culturelles liées à leur condition ? Que fait, par exemple, le travail formel d’organisation nécessaire à la description littéraire d’un travail particulier, aux modes d’organisation de ce dit travail ? Et que fait cette description, émise publiquement par un ouvrier, à la description du même travail, formulée publiquement par un ingénieur ou un supérieur hiérarchique ?

Se demander ce que fait un texte littéraire, c’est le considérer comme une forme d’action, comme une nouvelle manière de dire (le travail, par exemple), qui entre alors en discordance avec les formulations – formulations autoritaires et contraignantes, dans le cas du quotidien des ouvriers –  qui lui préexistent.  Cette forme d’action, qui repose, pour être visible et lisible, sur un certain type de lecture, sera présentée ici comme un acte de littérature. Cette notion est issue du concept d’« acte de langage » d’Austin, mais plus particulièrement de la relecture qu’en propose l’anthropologue Béatrice Fraenkel. Celle-ci constate qu’Austin laisse de côté la particularité des discours performatifs écrits, qui, pourtant, ne peuvent s’analyser de la même façon que les énoncés oraux. Aussi, elle propose une nouvelle grille d’analyse pour les « actes d’écriture », prenant en compte leur aspect formel, leur tension vers la durée, et leur lieu d’inscription. A l’intérieur de cette catégorie, il s’agit pour nous de dégager une autre spécificité, celle de l’écriture littéraire. Celle-ci possède des modes d’action spécifiques, occupe constamment de nouveaux espaces, et surtout, demande que l’on prête attention à sa manière propre de réaménager l’expérience du réel.

Le travail de recherche consistera donc à identifier un certain nombre d’actes de littérature, c’est-à-dire, ici, de reconfigurations, par les choix d’écriture, des modes d’organisation et des rapports de force auxquels les auteurs sont soumis dans la réalité extratextuelle. Il peut s’agir, pour donner deux exemples parmi les plus représentatifs, de prendre à rebours, par les jeux temporels de la narration, les rythmes astreignants auxquels est soumis le travail dans la réalité ; ou bien, de se réapproprier, à travers des descriptions précises et complexes, l’expertise et la connaissance du geste laborieux, confisquée par la division verticale du travail.

Diplôme, formation :

2017 - Master en Théorie de la Littérature, Mention Très Bien. Master cohabilité à l’Ecole Normale Supérieure (ENS), à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS) et à l’Université Paris Sorbonne, Paris IV

Articles :

« Écrits d’ouvriers, écrits de classe ? L’écriture du collectif comme transgression dans trois romans d’ouvriers (1900-1945) », Mauvais goût, mauvais genre ? Actes du séminaire interdisciplinaire, ENS Ulm 2016/2017, Paris, Éditions La Taupe Médite, 2017, p. 93-135.

« Temps de travail, temps du récit, et subjectivations dans les écrits romanesques des ouvriers. L’exemple de Travaux (1945) de Georges Navel », Les Dossiers du Grihl, [En ligne], 2018-01, mis en ligne le 15 février 2018, consulté le 13 mai 2018. URL : http://journals.openedition.org/dossiersgrihl/7054; DOI ; 10.4000/dossiersgrihl/7054.

Communications :

« Temps de travail, temps du récit et subjectivité dans les écrits romanesques des ouvriers  », à la journée d’étude « Linguistique et écrit » organisée par Marion Carel et Dinah Ribard le 10 juin 2016, à l’EHESS (Paris).

« Écrire la classe. Le mode du collectif dans les écrits romanesques des ouvriers », au séminaire d’élèves « Mauvais goût, mauvais genre ? », le 14 novembre 2016, à l’ENS Ulm (Paris).

« Écrire le travail », au séminaire d’élèves « Le littéraire face à l’Histoire », le 16 novembre 2017, à l’ENS Ulm (Paris).