Conférence du Prof. Gabrielle Radica (Université de Lille) : « Morale,...
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Conférence Europe des lettres du 8 octobre 2010 par Isabelle Soraru, Docteur en littérature comparée (Université de Strasbourg), dir. Prof. M. Finck.
Comment expliquer cet essai au titre paradoxal, La haine de la musique, au regard de l'œuvre de Pascal Quignard, où la musique occupe une place si importante? Le désavœu de la musique se trouve réaffirmé par l'auteur à diverses reprises, et il avoue tardivement s'en éloigner de plus en plus, en lui préférant le silence de la page. Pour mieux comprendre ce qui s'apparente à un véritable paradoxe - le vœu de silence entrant en contradiction avec la présence constante de la musique dans l'œuvre de Pascal Quignard - il est nécessaire de dégager ce qu'on pourrait nommer un imaginaire de la musique. Une de ses sources peut être trouvée dans la musique du premier baroque, celle de Marin Marais, de Sainte Colombe et des leçons de ténèbres : la musique y est proche d'un langage, elle est capable d'apaiser, mais elle est aussi, au contraire, ce qui entraîne vers la mort, à l'instar du chant dangereux des sirènes. C'est justement à travers les mythes que Pascal Quignard va dégager ce qu'il nomme la « souffrance sonore » : nombre de mythes fondateurs parlant de musique se situent du côté de la violence ou de l'animalité. La musique, et le monde sonore, ouvrent en effet un territoire pré-linguistique, ce territoire qualifié d' « archaïque » par Nietzsche, qui voyait l'oreille comme « l'organe de la peur », développé « dans la pénombre des forêts et des cavernes obscures ». Mais cette haine de la musique s'explique surtout par les questions éthiques auxquelles elle ouvre : si la musique est le seul art qui ait pu s'accommoder de l'organisation des camps de concentration, avance Pascal Quignard, c'est aussi en raison d'une spécificité musicale, d'une caractéristique propre au monde sonore. A travers les mythes liés à la musique, mais aussi les témoignages de Primo Levi et de Simon Laks, il va montrer que l'écoute appelle l'obéissance et que, peut-être, il n'est plus possible d'écouter de la musique de la même manière après Auschwitz. Si l'on peut remettre en question cette approche, on ne peut nier que la « haine » de la musique selon Pascal Quignard nous invite à reconsidérer les rapports entre musique et pouvoir, dont Platon avait déjà bien compris les enjeux.
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